VILLE - Regards sur la ville de l’avenir

VILLE - Regards sur la ville de l’avenir
VILLE - Regards sur la ville de l’avenir

Deux des phénomènes sociologiques qui marquent l’époque contemporaine paraissent particulièrement significatifs: d’abord une augmentation exponentielle de la population, dont on ne voit actuellement aucun signe d’essoufflement; ensuite une migration de la population des campagnes vers les agglomérations urbaines où elle trouve de meilleures conditions de travail et un accès plus facile aux commodités offertes par la vie moderne. Par exemple, dans le cas de la France, on prévoit en l’an 2000 une population urbaine (dans les villes de plus de 2 000 habitants) de 58 millions d’habitants, soit 77 p. 100 de la population totale. La population urbaine aura ainsi doublé en cinquante ans. Cette croissance continue de la population des agglomérations urbaines nécessite simultanément un agrandissement et une rénovation des agglomérations existantes et une création d’agglomérations nouvelles.

Les contraintes générales d’aménagement urbain (circulation des personnes et des marchandises, distribution d’énergie, d’eau, de chaleur, évacuation des déchets, approvisionnement de la population, coût des terrains) conduisent, dans la plupart des cas, à une limitation de l’expansion territoriale des villes et donc à une densification de population du tissu urbain.

Deux facteurs contradictoires semblent devoir influer sur le développement des structures urbaines de l’avenir: d’une part, l’évolution très rapide des sciences et de la technologie qui permet la conception de formes de vie et d’environnement de type nouveau (l’exploitation intégrale de ces nouvelles possibilités techniques conduit certains urbanistes à préconiser des structures urbaines «futuristes» impliquant des révolutions dans le mode de vie des individus); d’autre part, la contrainte imposée par les formes de vie et d’urbanisation existantes ou prévues pour un proche avenir selon les conceptions actuelles, formes qui continueront à exister longtemps (nécessité d’amortissement économique des investissements et d’accoutumance des populations aux changements profonds dans leur mode de vie).

Le développement des structures urbaines de l’avenir sera probablement déterminé par un compromis entre ces deux tendances. Dans les villes existantes, la présence simultanée de formes urbaines et futures, et donc des modes de vie qui en résultent, sera possible, mais l’expérience montre que des écarts trop importants ne sont pas admis par l’individu, étant donné les limites de ses facultés d’adaptation. Même dans le cas des villes nouvelles, l’évolution des formes urbaines par rapport aux villes existantes sera limitée. Il convient d’ajouter que les prévisions que l’on peut faire s’appliqueront surtout aux pays développés.

Il apparaît donc probable que les changements dans les structures urbaines seront moins rapides que les possibilités offertes par les techniques de pointe. En tout état de cause, il est pratiquement impossible d’imaginer, par la seule extrapolation des connaissances et des prévisions à court terme, les modifications dans les formes et les structures de la vie humaine qui se produiront à très long terme.

On peut cependant affirmer qu’une simple extrapolation des techniques actuelles ne donnera pas des solutions satisfaisantes pour des agglomérations dont la densité de population augmentera et dont les standards de vie des habitants, en progression constante, conduiront à des pollutions de plus en plus importantes et à des nuisances insupportables du point de vue physique et psychique.

L’innovation dans les techniques et les structures s’avère donc indispensable pour permettre la vie de l’homme dans ces conditons et pour favoriser la réalisation de villes adaptées aux besoins profonds de leurs habitants. On évitera ainsi les structures déséquilibrées de certaines réalisations récentes dans lesquelles un «conditionnement» néfaste de l’homme est nécessaire pour qu’il puisse s’adapter.

Progrès techniques et vie urbaine

Les progrès techniques susceptibles d’influer à moyen terme sur la vie urbaine paraissent devoir se situer essentiellement dans les domaines suivants: la fourniture et la distribution de l’énergie, les télécommunications et les systèmes ayant recours à l’informatique, les moyens de transport et les modes de circulation, les techniques de construction, enfin les techniques antipolluantes.

Fourniture et distribution de l’énergie

Dans l’état actuel des prévisions, la distribution sous forme électrique de l’énergie semble devoir rester le procédé le plus utilisé, que cette énergie soit d’origine thermique, hydraulique, nucléaire, solaire, marémotrice. La plupart des fonctions urbaines et domestiques seront assurées de cette manière, le «tout électrique» se généralisant. L’énergie électrique n’est en effet pas polluante, du moins sur les lieux d’utilisation, qui peuvent être éloignés des centres de production en raison des facilités de transport du courant électrique.

Télécommunications et informatique

On peut prévoir dans le domaine des télécommunications et de l’informatique un développement considérable des techniques permettant à de nombreuses personnes d’effectuer à domicile des tâches variées en téléliaison avec leurs interlocuteurs. Les systèmes de communications avancées mis à la disposition des habitants constitueront un véritable système nerveux de la ville de l’avenir.

Cette évolution spectaculaire des moyens de télécommunications autorisera souvent une séparation géographique des divers centres d’activité d’une même entreprise, les liaisons étroites (humaines, informatiques) nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble étant maintenues. Chaque centre d’activité sera ainsi implanté dans l’environnement idéal pour son bon épanouissement, et les activités susceptibles d’engendrer des pollutions de toute nature pourront être éliminées de la ville.

Parmi les développements prévisibles des moyens de télécommunications et d’informatique, on peut envisager dès maintenant:

– un développement spectaculaire du réseau téléphonique auquel chaque domicile et chaque centre d’activité aura accès;

– une généralisation de la visiophonie (téléphonie associée à l’image de l’interlocuteur) grâce à de nouveaux moyens de transmission (électriques, radioélectriques associés à des faisceaux hertziens gigamétriques; câbles coaxiaux ou guides d’ondes; rayons lasers associés à des réseaux en fibre de verre);

– l’utilisation de téléservices nouveaux qui rendront les communications plus aisées pour les usagers (en outre, des services de télé-informatique nouveaux permettront l’accès automatique par téléphone, ou visiophone, à des banques de données qui prendront le relais des bibliothèques, des archives, des services de renseignements; la synthèse de la voix humaine par ordinateur facilitera les dialogues entre homme et ordinateur);

– la généralisation de la télédistribution (télévision par câbles) rendra possible, d’une part, l’accès à un très grand nombre de canaux, à programmes ou fonctions différentes (loisirs, éducation, formation, renseignements divers, présentation de catalogue d’achats à domicile) et, d’autre part, une possibilité de communication directe de l’usager avec l’organisme générateur de chaque programme;

– l’utilisation généralisée d’appareils permettant la télétransmission rapide de documents par le réseau téléphonique ou par des réseaux spécialisés et se substituant pour partie au service postal;

– l’utilisation courante de moyens de recherche de personnes en déplacement et de transmission des messages à un échelon urbain, national ou mondial;

– la gestion de l’ensemble des activités urbaines par des systèmes informatiques (circulations, conduites et contrôles des divers réseaux, services administratifs).

L’ensemble de ces progrès dans le domaine des télécommunications devrait entraîner une diminution des déplacements de personnes, contribuant à des modifications de morphologie et d’organisation de la ville (commandes et livraisons d’achats, enseignement et contrôle des connaissances, relations bancaires, réservation des places de spectacles, contacts avec l’administration pourraient avoir lieu à domicile).

Circulation et transports

Des moyens de transport nouveaux prendront le relais des véhicules individuels encombrants et polluants d’aujourd’hui. L’évolution se fera vers un système de transport public très développé, combinant les avantages d’un transport individuel (possibilité d’établissement de «trajets sur mesure») avec une réduction des ruptures de charge et demandant aux passagers le minimum d’efforts. Ce système combinera:

– des moyens de transport kilométrique en site propre, souterrains ou aériens, consistant éventuellement en convois intégrés d’éléments de transport individuels;

– des moyens de transport hectométrique (tapis roulants à grande vitesse, petits véhicules programmés);

– des véhicules individuels programmés circulant sur des sites propres;

– enfin, des systèmes multimodes (principes de fonctionnement différents selon les parties du trajet) dont l’usage devrait se développer.

De toute façon, une séparation très nette existera entre niveaux et sites affectés au système de transports d’une part et circulation piétonnière d’autre part.

Des moyens spécialisés se développeront pour le transport de marchandises (tubes pneumatiques ou bandes transporteuses programmées, par exemple, permettant la distribution à domicile).

Techniques de construction

Grâce aux progrès dans la technologie des matériaux de construction, on réalisera des éléments de construction industrialisés, légers et d’un coût faible. Les urbanistes de l’avenir devront donc tenir compte des conséquences de cette évolution: la standardisation poussée à l’extrême de la construction peut engendrer la monotonie et l’ennui; les solutions techniques ultimes, telles que les tours cosmiques de 5 000 mètres d’altitude et de 5 millions d’habitants de Xenakis, paraissent difficilement adaptables à l’homme, sauf imprévisible évolution de sa part.

La possibilité d’obtenir une dégradation contrôlée des matériaux de construction après destruction des immeubles vétustes deviendra une nécessité pour la protection de l’environnement.

Les techniques d’éclairage et de climatisation permettront une séparation complète entre le milieu de vie de l’homme et l’environnement extérieur, mais il n’est pas certain que l’homme, individu grégaire, diurne et aérobie, admettra des conditions de vie par trop artificielles.

Pollution et nuisances

Des innovations très importantes devraient apparaître d’ici à la fin du siècle et permettre de diminuer les pollutions toxiques de l’air, de l’eau et des produits alimentaires, le bruit, la dégradation esthétique de l’environnement, les agressions psychiques causées par des efforts d’adaptation à des changements trop rapides des conditions de travail et de vie et les facteurs de perte de temps. Les innovations pourront consister soit à combattre les effets des nuisances (destruction non polluante des divers déchets, traitement généralisé de l’eau et de l’air), soit à en éliminer les causes (généralisation des véhicules électriques, emballages autodégradables, création de processus technologiques non polluants, traitement des sols cultivables et composants alimentaires non toxiques, solutions aux problèmes de circulation).

L’augmentation considérable des facteurs de nuisance entraînée par l’augmentation du nombre d’hommes et de leur niveau de vie fera de la lutte contre toutes les pollutions une des préoccupations les plus importantes des années futures.

Formes de la ville de l’avenir

Quelles seront les formes urbaines de l’avenir? On peut d’abord remarquer que la cohabitation permanente d’urbanismes du passé, du présent et du futur montre que ces formes seront certainement diverses. Les urbanistes formulent diverses propositions futuristes pour les villes de l’avenir.

Les villes-tours sont le développement des modernes gratte-ciel qui, d’abord d’une dimension relativement modeste (ville verticale de P. Maymont), pourraient atteindre des dimensions cyclopéennes (ville cosmique verticale de Xenakis). Dans ce dernier cas, la ville-tour atteindrait plusieurs milliers de mètres d’altitude et les circulations se feraient par des systèmes verticaux à grande vitesse. Ces solutions permettraient une faible occupation du sol par rapport au nombre d’habitants et autoriseraient donc un environnement agréable (zones vertes aux abords de la tour).

Les villes souterraines offrent des avantages analogues à ceux des villes-tours, mais elles

présentent des contraintes inhabituelles, toute la vie devant se dérouler dans un environnement artificiel dont il n’est pas certain que l’homme puisse s’accommoder.

L’agglomération d’éléments cellulaires habitables constituant à la fois les structures portantes et la définition spatiale de l’habitat est une autre solution. Par superposition et juxtaposition de ces cellules, on pourrait réaliser des formes variables et évolutives des appartements et de la ville. Parmi les formes de cellules qui ont été proposées, on peut noter des cellules hexagonales, tétraédriques, octogonales.

La combinaison de structures fixes et d’éléments cellulaires déplaçables serait intéressante pour les immeubles d’une certaine hauteur. Cette dernière solution s’apparente déjà aux systèmes à hiérarchie structurale ou à la ville spatiale de Y. Friedman, constitués d’une structure principale fixe portante, dotée de réseaux d’équipement, dans laquelle on introduit des éléments de remplissage mobiles (les appartements) changeables suivant les nécessités d’utilisation.

Les structures en pont relèvent d’une conception selon laquelle la ville est formée par un ensemble de tours reliées par des ponts surélevés par rapport au sol et groupant l’habitat, les circulations et certains équipements urbains. Cette disposition rend la ville indépendante de la nature du terrain et laisse le sol libre pour des zones vertes ou pour des équipements sociaux. Elle a été suggérée pour la rénovation de grandes villes, les nouvelles structures en pont surplombant les structures urbaines anciennes. La ville-pont de J. Fitzgibbon appartient à ce type.

De nombreuses villes marines flottantes ou sur pilotis pourraient soulager les agglomérations proches de la mer. Des projets existent pour T 拏ky 拏, Hong Kong, New York, Monaco, et l’on a même envisagé des villes flottantes et mobiles qui se déplaceraient suivant le climat, les sources de ravitaillement et d’énergie. Dans ces villes, une partie de la vie se passerait en surface et une partie dans des structures immergées (notamment les réseaux de circulation et de distribution divers).

Des formes urbaines en diagonale dans l’espace créent des solutions intermédiaires entre les grands immeubles collectifs et les maisons individuelles; on peut citer des solutions en semi-collines, ou en collines, de formes variées, artificielles, comprenant des étages en terrasse particulièrement accessibles au soleil et à l’air.

La protection de toute une ville contre les intempéries par une coupole composée de matière à transparence variable et l’assurance d’un climat agréable apparaissent comme réalisables pour un avenir proche.

La ville semble évoluer plus lentement que les besoins de l’homme et les possibilités de la technique. Les distorsions ainsi créées sont si criantes que l’opinion de beaucoup est que la ville moderne est néfaste. Cependant, le progrès technique, les innovations, l’accroissement du niveau de vie rendent possible le développement de villes adaptées à l’homme et non de villes exigeant de l’homme de profondes mutations. Néanmoins, la réalisation de tels ensembles urbains exigera un réel esprit d’innovation en matière de conception, de planification, de promotion et de financement, conciliant une grande rigueur dans la définition des équipements d’infrastructure urbains avec la plus grande liberté au niveau de la programmation municipale ou privée des ensembles collectifs et des unités d’habitation. L’apparition d’un esprit de synthèse face aux échecs et aux insuffisances d’une promotion foisonnante, d’une part, d’une planification autoritaire, d’autre part, est probablement la clé de la réussite dans le développement des villes futures.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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